Catherine Paumier
Au début était l’inconscient : le rêve de
l’Injection faite à Irma
La Science des rêves et l’injection faite à Irma
« Aucun de mes travaux n’aura été si complètement
le mien ; c’est mon propre fumier » (S. Freud, La naissance de la
Psychanalyse, lettre n°107 : PUF Paris, p249)
INTRO
Pour cette soirée, j’ai choisi de m’intéresser bien
évidemment à l’inconscient. ; l’inconscient tel que Freud l’a découvert
en démontrant, entre autres, que le rêve est interprétable et à
interpréter .
A ce titre la Traumdeutung est une initiation à
l’inconscient. Elle forme avec la Psychopathologie
de la vie quotidienne et Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient l’essentiel
de la démonstration historique de Freud de sa découverte. C’est le
rêve de Freud de L’injection faire à Irma plus particulièrement que je souhaite
examiner ce soir. Ce rêve se trouve donc dans la Traumdeutung qui fut
publiée et mise en vente le 4 Novembre 1899 pour la première fois alors que
Freud n’avait que 43 ans. Cet ouvrage
sera réédité huit fois de son vivant. C’est dans cet ouvrage que Freud déclare le
rêve comme voie royale vers l’Inconscient et élève le rêve de l’Injection faite
à Irma comme paradigme du rêve. L’ouvrage est censé placer le rêve dans son
ensemble comme la clé qui ouvrira la porte de l’inconscient
La Traumdeutung occupe un moment particulier
dans l’élaboration de Freud : il va abandonner sa théorie de la séduction.
La lettre à Fliess du 21-9-97 en fait état : « Il
faut que je te confie tout de suite le grand secret qui s’est lentement fait
jour au cours de ces derniers mois. Je ne crois plus à ma neurotica »
Freud découvre que les scènes de séductions auxquelles ils imputaient
l’éthiologie des névroses sont bien
souvent fantasmées.
« S’il est vrai que les hystériques ramènent leurs
symptômes à des traumatismes fictifs, le fait nouveau est bien qu’ils
fantasment de telles scènes ; il est donc nécessaire de tenir compte, à
côté de la réalité pratique, d’une réalité psychique. Bientôt l’on découvrit
que ces fantasmes servaient à dissimuler l’activité auto-érotique des premières
années de l’enfance, à les embellir et à les porter à un niveau plus élevé.
Alors, derrière ces fantasmes, apparut dans toute son ampleur la vie sexuelle
de l’enfant » « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique », 1914, trad. fr. Cinq Leçons sur la psychanalyse, Paris, Payot, pp. 83-84.
L’effet de ce rêve de l’injection faite à Irma sur Freud est
tel que c’est cinq ans plus tard qu’il va lui donner la puissance d’un acte
fondateur. Cinq ans après avoir fait ce rêve, le 12/07/1900, à l’orée du
vingtième siècle, il écrit à Fliess qu’il s’est pris à imaginer que grâce
à ce rêve et à l’interprétation qu’il en a faite on pourra graver un jour après
sa mort en épitaphe sur sa maison : « Ici le 24 Juillet 1895,
pour la première fois l’énigme du rêve a été dévoilée par Sigmund Freud » .
C’est dire à quel point ce rêve qualifié par Lacan de « rêve
initial ,le rêve des rêves, le rêve inaugural » compte dans la
théorie freudienne de l’inconscient.
En même temps c’est parce que Freud avait su interpréter les
symptômes (hystériques) qu’il a su de la même manière interpréter les rêves.
Pour lui il y avait analogie : un texte était là a déchiffrer. Considérant
les termes du Tanach qui dit qu « un rêve non déchiffré est une lettre non
lue » Freud s’y est attelé .
Voici maintenant le rêve :
« Un grand hall-
beaucoup d’invités, nous recevons . Parmi ces invités ,Irma, que je prends tout de suite à part, pour
lui reprocher en réponse à sa lettre, de ne pas encore avoir accepté ma
« solution » (Lösung) . Je lui dis : « si tu as encore des
douleurs, c’est réellement de ta faute. » Elle
répond : « Si tu savais comme j’ai mal à la gorge , à l’estomac
et au ventre, cela m’étrangle ». Je prends peur et je la regarde. Elle a
un air pâle et bouffi ; je me dis : n’ai je paq laissé échapper
quelque symptôme organique ? Je l’amène près de la fenêtre et j’examine sa
gorge. Elle manifeste une certaine résistance comme les femmes qui portent un
dentier. Je me dis : pourtant elle n’en a pas besoin. Alors , elle ouvre
bien la bouche ,et je constate, à droite ,une grande tache blanche, et d’autre
part j’aperçois d’extraordinaires formations contournées qui ont l’apparence de
cornet du nez, et sur elles de larges escarres blanc grisâtre. J’appelle
aussitôt le docteur M., qui à son tour examine la malade et confirme. Le
Docteur M ; n’est pas comme d’habitude, il est très pâle, il boîte, il n’a
pas de barbe… Mon ami Otto est également là, à côté d’elle, et mon ami Léopold
la percute par-dessus le corset ; il dit : « Elle a une matité
à la base gauche », et il indique aussi une région infiltrée de la peau au
niveau de l’épaule gauche (fait que je constate comme lui malgré les
vêtements). M. dit : il n’y a pas de doute, c’est une infection, mais ça
ne fait rien ; il va s’y ajouter de la dysenterie et le poison va
s’éliminer. »Nous savons également d’une manière directe, d’où vient
l’infection. Mon ami Otto lui a fait récemment, un jour où elle s’était sentie
souffrante, une injection avec une préparation de propyle, propylène…acide
proprionique…triméthylamine (dont je vois la formule devant mes yeux, imprimée
en caractère gras)… Ces injections ne sont pas faciles à faire…il est probable
aussi que la seringue n’était pas propre ».
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Quelle interprétation Freud fait-il de ce rêve ?
On pourrait résumer sa conclusion et dire que, selon lui, ce
rêve est une tentative d’explication au pourquoi de l’échec de Freud et de ses traitements
sur Irma, et surtout une tentative de déculpabilisation vis à vis de l’échec.
S’il est si important aux yeux de Freud, c’est que pour lui ce rêve est
paradigmatique de la théorie qu’il veut défendre ; à savoir : le rêve
est un accomplissement de désir inconscient. Ce qu’il essayera de démontrer à
travers tout son ouvrage. Mais pour en revenir au rêve de l’injection, nous
trouvons sous sa plume :
« La conclusion du rêve est que je ne suis pas
responsable de la persistance de l’affection d’Irma, et que c’est Otto qui est
le coupable » (p 110) . Ce rêve enlève à Freud la responsabilité de la
maladie d’Irma, son motif (au rêve) est un désir et « son contenu
l’accomplissement d’un désir » (p 110). Le rêve renvoie les reproches sur Otto qui avait agacé Freud à
propos de la cure inaboutie d’Irma.
En effet, Irma ( de son vrai nom Emma Eckstein) est une patiente récalcitrante de
Freud et une « amie très liée » (S. Freud p 98 L’Interprétation des
rêves) avec la famille, et pour tout
dire surtout avec la femme de Freud.
Ces liens le mettent
dans l’embarras. En effet, un échec de la cure peut « compromettre
une vieille amitié » (p99)
Freud est mécontent du résultat de la cure ; les symptômes n’ont pas disparus, et il
propose à Irma une « solution » (Losüng) qu’elle refuse, ce
qui contrarie Freud plus encore.
La cure se rompt. Otto
, jeune confrère de Freud, revoit plus tard la malade et rapporte ,avec ce que
Freud entend comme un reproche larvé, qu’ « elle va mieux mais pas
tout à fait bien » (p 99). Freud entend dans ce reproche qu’il a
« trop promis à la malade » (p 99) compte tenu du maigre résultat
obtenu, ce qui l’agace. Le soir même il se met à écrire « l’observation
d’Irma pour pouvoir la communiquer en manière de justification à notre
ami commun le Docteur M… ». Dans la nuit qui suit il fait le rêve de
l’injection.
Mais en quoi ce rêve est-il différent des autres ? En
fait toutes ces idées étaient latentes, à portée du conscient. Freud est consciemment mécontent de cette
cure, consciemment agacé par Otto, il en veut consciemment à Irma pour sa résistance
vis à vis de sa « solution » (Losüng)…
En quoi ce rêve est-il réalisation d’un désir
inconscient ??? Et de quel désir s’agit-il ???
La première partie de l’interprétation du rêve, rêve que
l’on peut diviser en deux temps, tente de donner un sens au rêve et fourni une articulation
avec le désir de Freud de se déculpabiliser de l’échec du traitement.
Certes ! mais comme déjà souligné, ce désir est conscient, bien présent la
veille au soir en écrivant le compte-rendu du cas.
Et c’est bien ici que se situe la vraie découverte de Freud,
non pas tant que tout rêve soit la
réalisation d’un désir inconscient , ce qui qui ici n’est pas probant ; que
le rêve soit la voie royale de l’inconscient assurément, mais que le sujet de
l’inconscient y apparaisse est ce que Lacan va pointer et élaborer.
Lacan ne va pas chercher à interpréter Freud plus que Freud
ne le fait. « Ce serait absurde » (Séminaire II p 183). Il ne s’agit
pas de cela. Lacan reprendra et le rêve et les interprétations de Freud ,
suivra Freud lorsque celui-ci affirme l’importance capitale de ce rêve , et
piochera dans ce rêve et son interprétation des concepts qu’il développera plus
tard dans son enseignement.
Lacan trouvait étrange ce que déjà pointé plus tôt : Freud
connaît consciemment son désir d’être disculpé de tout ce qui le relie au
traitement d’Irma. Alors pourquoi s’appuyer sur ce rêve pour prouver que le
rêve est l’accomplissement d’un désir inconscient c’est à dire refoulé ???
(Freud fit très tôt une analogie entre
rêves et symptômes : tous deux étaient l’expression d’un désir
inconscient. C’est ce dont témoigne L’interprétation des rêves. Ensuite Freud
fera la liaison entre rêve, symptômes, lapsus, oublis et actes manqués qui tous
renvoient au même processus de refoulement. Je ne développerais pas ici plus
avant.)
Suivons Lacan dans le Séminaire II qui consacre deux leçons
à ce rêve. Lacan se fait pour nous lecteur de Freud, qui lui a rêvé pour nous,
la communauté analytique (Jacques Lacan, Séminaire II, p203) Lacan, et nous
même, avons un avantage sur Freud. Nous pouvons lire le rêve en y incluant les
élaborations de Freud. « A prendre ,nous, l’ensemble du rêve et de son
interprétation. Là, nous sommes sur une position différente de celle de
Freud » Séminaire II, p 210) . et c’est ainsi Lacan lèvera le paradoxe de
l’inconscient freudien du rêve.
Que lit Lacan que n’a pas pu lire Freud?
La première partie du rêve s’introduit par un dialogue de
Freud avec Irma où cette dernière refuse la « solution » proposée par
Freud. Notons qu’en français tout comme en allemand il y a un jeu de mot avec
les mots « solution » et « Losüng » qui peuvent se
traduire tous deux et par « résolution » (d’un problème) et par
« liquide ».
Le rêve dénonce donc le remède génital qui était conseillé
aux hystériques par les spécialistes de l’époque Freudienne. Solution que Freud
n’entérine pas. Mais son rêve dénonce aussi sa propre méthode ; à savoir
qu’il pensait « alors (j’ai reconnu depuis que je me suis trompé) que ma
tâche devait se borner à communiquer aux malades la signification cachée de
leurs symptômes morbides ; que je n’avais pas à me préoccuper de
l’attitude du malade : acceptation ou refus de ma solution, dont cependant
dépendait le succès du traitement… » ( L’interprétation des rêves, S.
Freud, p101)
Quelle que soit la « solution » (génitale et
hypocrite puisque réfutant l’étiologie sexuelle de la névrose mais proposant le
sexe comme « solution » ou
bien délivrer comme un oracle le sens sexuel des symptômes) le rêve dit qu’aucune d’elle n’est la bonne.
C’est alors qu’à la demande de Freud, Irma ouvre la bouche(
ce que Freud n’obtient pas d’elle dans la réalité.. . à savoir parler).
Elle expose au regard de Freud l’innommable, l’indicible profondeur de sa gorge.
La première partie de ce rêve « abouti au surgissement de l’image
terrifiante, angoissante , de cette vraie tête de Méduse, à la révélation de ce
quelque chose d’à proprement parler innommable, le fond de cette gorge, à la
forme complexe, insituable, qui en fait aussi bien l’objet primitif par
excellence, l’abîme de l’organe féminin d’où sort toute vie, que le gouffre de
la bouche, où tout est englouti, et aussi bien l’image de la mort où tout vient
se terminer. (………) Il y a donc apparition angoissante d’une image qui résume ce
que nous pouvons appeler la révélation du réel (…) du réel dernier (….) ce
quelque chose devant quoi tous les mots s’arrêtent et toutes les catégories
échouent, l’objet d’angoisse par excellence » (J. Lacan Séminaire II p
196)
Mais Freud ne se réveille pas …il continue de rêver.
Au lieu du réveil
intervient dans le rêve une diffraction du moi . la scène est envahie par une foule.
Jusqu’à présent en premier lieu le rêve se situait dans le
domaine imaginaire dans le moment de dialogue avec Irma, elle ouvre la bouche
et nous entrons dans le domaine du réel. Puis, effacement de Freud
lorsqu’apparaît « la foule », les trois médecins qui représentent
tous les médecins es-docteurs en vérité.
Un « trio de clowns » en vérité. (J. Lacan,
Séminaire II, p 187)
Otto, le Dr M…, Léopold…Tous trois discutent de la maladie
d’Irma et chacun y va de son savoir…tous « docteurs de la Vérité qui,
d’une solution à l’autre, exercent leur maîtrise sur le désir de l’autre et
continuent de méconnaître le leur » (S. Cottet, Freud et le désir du
psychanalyste, p69). C’est en alter-égo de Freud qu’il faut voir ces médecins, des
égos que le rêve désintègre.
(Ce que ces
trois personnages viendraient figurer, ce sont les différentes couches
identificatoires à partir desquelles s’est successivement composé le Moi
freudien. Chacun renvoyant par association à des êtres chers dans l’histoire de
Freud (ex. Dr. M. renvoie par association au demi-frère de Freud qui lui-même
renvoie au Père de Freud soit à celui qui fait autorité), ils incarnent les
figures identificatoires à partir desquelles s’est constitué par accumulation
le Moi freudien.)
Au moment de la désintégration des différentes composantes du moi freudien
alors apparaît une formule ; celle de la triméthylamine, lettres qui n’ont
aucun sens et qui viennent à la place du réel que l’imaginaire essaye de
recouvrir. Ainsi, sous le signifiant et sa signification, il n’y a rien d’autre
que le réel de la castration que Freud rencontre. Il n’y a plus d’associations. La
triméthylamine apparaît comme étant le fin mot du rêve qui ne « veut rien
dire sauf qu’il est un mot » (Jacques Lacan, Séminaire II, p 234). Ombilic
du rêve nous dira Freud.
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Je vous ai amené jusqu’à ce point du
rêve, où il y aurait encore
beaucoup de choses à dire, pour tenter
de le prendre par un autre
biais en regard de l’avancée du travail
des AE de l’Ecole.
En effet, quid de cette
« triméthylamine » dans le développement
de la cure de Freud. Nous le savons,
Freud est le père de la
psychanalyse, et en tant que tel le
père du « péché originel » de
n’avoir pas fait d’analyse au sens
orthodoxe du terme puisqu’il
l’inventait. Nous savons aussi que son
« interlocuteur » était Fliess
et que son échange littéraire à servi
de support à la cure de Freud.
De la même manière on peut y intégrer
ses créations littéraires
tels justement cette Traumdeuntung.
Mais écrire ce n’est pas
parler et lire ce n’est pas écouter.(
cf. Conférences et
Entretiens
dans des universités nord-américaines. Paru dans Scilicet n° 6/7,
1975, pp. 32-37.)
Lacan indique qu’en ce point du rêve, tout s’arrête, une limite est marquée
en regard du sens du rêve. C’est la limite du chiffrage du rêve. Et combien
même on le pousserait plus loin, il ne livrerait rien de ce qui en est du sens
du sexuel et de la mort. Arrivé à ce point le sujet peut se réveiller. (Ceci
dit Freud aurait dû se réveiller plus tôt, au moment même où Irma ouvre sa
bouche et où se dessine l’image de l’horreur. Mais comme le signale Lacan,
Freud ne se réveille pas à ce moment là car
« Freud est un dur » (P186 Séminaire II) et qu’il va « aller
aussi loin qu’il peut aller dans l’ordre de l’angoisse » (p 199) et
atteindra ce qu’il nommera l’ombilic du rêve. (S. Freud, L’interprétation des
rêves p 446) ou l’Unerkannt, l’impossible à reconnaître (J. Lacan le
Sinthome , Séminaire XXIII p 238). Ce qui ne se reconnaît pas est de l’ordre de
ce qui ne peut pas se dire ni s’écrire.
Freud franchit quelque chose, il va au-delà de sa passion pour la vérité,
au-delà de son moi ambitieux, au-delà du désir du Maître. Lacan souligne
l’effacement de l’ego de Freud, l’annulation du moi de l’analyste (J. Lacan,
Séminaire II, p 287), « condition de l’émergence d’un désir inconscient
au-delà du narcissisme (qui n’est désir de personne) ; d’autre part, il
s’agit d’un désir inhumain et fondamentalement transgressif en tant qu’il est à
l’origine de la psychanalyste, qu’il inaugure l’acte analytique »(S.
Cottet, Freud et le désir du psychanalyste, p70). C’est de ça qu’il s’agit
lorsque le rêve signale que « la seringue était sale , la passion de
l’analyste, l’ambition de réussir, étaient là trop pressantes, le
contre-transfert était l’obstacle même. »( J. Lacan, Séminaire II, p 196)
En quoi ce rêve se différencie-t-il d’un rêve de fin d’analyse? En quoi le
cartel de la passe considère qu’un rêve plus qu’un autre relève ou non de la
fin ?
Pour illustrer cela je vais vous rappeler le rêve de Sonia Chiriaco qui a
abouti à une nomination d’AE :
« … l’analysante doit subir une opération qui consiste à ouvrir le
couvercle de son crâne pour en extraire quelque chose, le fin mot, se dit-elle,
mais quel est-il ? Lui revient qu’elle a ramassé des coquillages et parmi
eux des ormeaux, pour les exposer, sous forme de tableau, sans leur coquille,
au public de l’Ecole.. L’apparition de ce signifiant incongru
« ormeau » qui présente d’abord sa face hideuse, mollusque dénudé et
répugnant, va se décliner en or-mot le mot en or, le mot
précieux et son envers, « mort », signifiant-maître contenu dans la
formule du fantasme, et jusqu’aux « hors mots », qui , comme j’ai pu
dire, le rendre dérisoire, faisant exploser le mot lui-même et rendant vains
tous ces mots auxquels le sujet s’est accroché, notamment dans son
analyse » (Sonia Chiriaco, soirée des AE ; La Cause Freudienne 78,
p.128)
Je m’en tiendrais à l’énoncé pur du rêve. On y entend la rencontre avec
l’horreur innommable, « hideuse », «répugnante », la butée
qui marque la limite du sens du rêve et pointe ce que Jacques-Alain Miller
nomme « l’inconscient réel », un S1 sans S2. C’est la limite de ce
qui peut être lu qui s’entend là ; l’ombilic du rêve, ce qui ne peut
s’écrire. En ce sens le « choix » du mot « ormeau » est
remarquable.
Le désir du rêve de Freud est, non pas tant un désir de déculpabilisation
comme déjà vu, mais un désir de trouver une réponse à l’énigme du désir de la
femme, une formule qui ne serait pas une injection sale. Le désir de Freud qui
se dessine dans ce rêve, est un au-delà du désir de savoir, un désir qui ne
serait écrasé par sa furor sanadi , une
passion orientée vers un réel comme le dit Lacan : « Aucune
praxis plus que l’analyse n’est orientée vers ce qui, au cœur de l’expérience,
est le noyau du réel » ( Jacques Lacan, le Séminaire livre XI, p 53) ce
que le nom d’ombilic représente.
Alors ? Irma rêve de fin d’analyse ? Nous dirions plutôt rêve de
passe.